Là, madame Michu ne rigole
plus. L’affaire est grave ! Il ne s’agit pas des calembredaines et des
petites arnaques habituelles.
De quoi s’agit-il ?
Madame Michu reçoit un mail d’une de ses copines.
Un supposé artiste,
aurait, au cours d’une manifestation artistique, exposé un chien errant et
l’aurait sciemment laissé mourir de faim ! Des milliers de visiteurs
auraient vu ce chien sans réagir.
Le message ne dit pas
grand-chose sur les circonstances du drame. Ni les dates, ni la durée du
supplice du chien, ni le lieu où il s’est déroulé. Seul le nom de
« l’artiste » est dévoilé.
Le mail est, bien entendu,
assorti d’un appel à pétition.
Reprenons un peu cette
affaire, peu connue en France, sans à priori.
Le message qui circule
reprend en français le texte des pétitions qui circulent.
Dans le mail, un argument
choc : « ce n’est pas un canular, car il y a de très nombreuses
références sur Google ! ». En fait il y en a plus de 150 000.
Comment se passe le
référencement sur Google ?
Un quidam entend parler de
cette affaire. Il s’en indigne à juste titre. Il va sur son forum préféré et
publie un article. Bing une référence ! un autre quidam lit l’article du
précédent. Indigné, il publie lui aussi un article. Bing deux références. Et
ainsi de suite. Google est autophage : il se nourrit de lui-même.
Le nombre de références dans
Google n’est jamais une garantie d’authenticité ni de sérieux ! Sur
Google, il y a 28 500 000 références pour « dieu ». Aurait-on là la
preuve que Dieu existe ?
Il existe des sites
spécialisés dans la pétition. En quelques clics, vous publiez une pétition sur
internet, accessible à des milliards d’humains.
99 % des références Google
sur cette affaire sont des réactions d’internautes sur des forums, ou des appels
à pétition. Mais rien sur les faits eux-mêmes.
Madame Michu est curieuse
par nature et son incroyance est pathologique.
Avant de s’indigner et de
dégainer son stylo à pétition, elle fouille un peu.
La fouille est fructueuse.
Il faut lire l’espagnol et
plonger dans l’internet hispano-américain pour en apprendre un peu plus.
Ce qui est certain :
L’affaire s’est déroulée à
Managua, capitale du Nicaragua, à la galerie d’art CODICE.
A partir du 15 aout 2007 à
17 h 00, un chien y a été exposé attaché à une corde. Cette installation était
proposé par GUILLERMO
VARGAS dit HABACUC, obscur artiste costaricain.
Près du chien, appelé
« Natividad » se trouvait un texte « Eres lo que lees » (tu es ce que tu lis) constitué de croquettes
pour chien collées au mur.
Les motivations de l’artiste
sont assez confuses, mélange d’hommage à un jeune homme dévoré par des chiens
et de fantasmes sandinistes. Cette installation était censée être une œuvre
d’art mettant le spectateur/voyeur face à son hypocrisie et à son indifférence
à la souffrance d’autrui. Le chien était un chien errant capturé dans les rues
de Managua.
Ne discutons pas ici du sens
de l’art ni de la frontière ténue qui sépare la provocation artistique du
foutage de gueule.
Ensuite, les versions
divergent.
Selon
« l’artiste » et la galerie CODICE http://www.galeriacodice.com/ (qui a l’air bien emmerdée par cette affaire), le chien n’était exposé
que trois heures par jour au public et était convenablement nourri et abreuvé.
Le chien se serait ensuite échappé pour
retrouver son destin de chien errant.
Selon le journal Costa
Ricain «La Nacion » http://www.nacion.com/ , repris par le
journal du Nicaragua La prensa du 5 octobre 2007,
(http://www.laprensa.com.ni/), « L’artiste »
aurait laissé le chien mourir de faim au bout de trois jours.
Qui dit vrai ?
Le site « Hoax
Buster » qui débusque inlassablement les canulars et les exagérations sur
internet est très mesuré : http://www.hoaxbuster.com/
Toujours est-il que cette
histoire fait un foin du diable en Amérique latine. Très vite les pétitions
fleurissent et atteignent même la lointaine France…
Que nous enseigne cette
histoire ?
- Il y a des chiens errants à
Managua : Le Nicaragua est un des pays les plus pauvres d’Amérique latine.
- Il y a, dans ce pays, des
galeries d’art qui proposent des « œuvres » modernes et
provocatrices, mais aussi des gens qui s’indignent de la cruauté envers les
animaux : malgré la pauvreté et les séquelles d’une guerre civile on peut
penser à autre chose qu’à la faim quotidienne.
- Internet est un instrument à
manier avec précaution. La pensée toute faite y occupe trop de place.
- Mais Internet est le média du village planétaire. Une sombre affaire survenue dans une galerie d'art du Nicaragua (c'est où le Nicaragua ? ), fait le tour de la planète.
- Google n’est pas la Bible.
A bientôt